Les Etats-Unis et la Chine ont certes convenu le 12 mai dernier d’une suspension pour 90 jours de l’application des taxes douanières exorbitantes qui étaient en vigueur depuis le 10 avril. Malgré cela, la Chine reste la plus pénalisée parmi l’ensemble des pays frappés de nouveaux droits de douane par les Etats-Unis : 30%, qui s’ajoutent aux droits de douane préexistants. Cela n’empêche pourtant pas les actions chinoises de figurer parmi les plus performantes depuis l’entrée en fonction de D. Trump le 20 janvier, : + 20% pour le MSCI China (en dollar) au 12 mai dernier, alors que les actions américaines perdent 2% sur la période.
Cette apparente incohérence s’applique à d’autres pays. Ainsi l’indice MSCI Europe, en dollar également, progresse-t-il de plus de 13% sur la même période alors que l’Europe, massivement exportatrice de biens manufacturés vers les Etats-Unis, subit depuis le 9 avril des barrières tarifaires de 10%.
Les mesures punitives à l’égard des pays exportateurs leur seraient-elles donc bénéfiques ? Plusieurs raisons contribuent à expliquer ce phénomène étonnant.
En premier lieu, la réaction économique des zones visées. En Chine comme en Europe, l’offensive américaine a déclenché, au moins indirectement, des réactions sous forme de plans de soutien. Les contextes des deux zones sont certes différents.
La Chine, engluée depuis plusieurs années dans une crise immobilière et de consommation, avait commencé à prendre des mesures de relance depuis quelques trimestres. Elle les a accentuées et a desserré d’un cran supplémentaire les conditions financières. Le 8 mai dernier, Pékin a ainsi abaissé une nouvelle fois ses taux directeurs ainsi que le niveau de réserve obligatoire des banques. L’Europe, par contraste, n’était pas engagée dans un train de mesures budgétaires exceptionnelles. Mais le vieux continent a brusquement adopté une nouvelle doctrine concernant l’endettement public, qu’il encourage désormais pour autant qu’il contribue à renforcer les capacités militaires. Même si cette nouvelle posture repose sur une justification géostratégique, on ne peut éviter de remarquer l’à-propos particulier de ce stimulus budgétaire. Celui-ci vient utilement contrebalancer le ralentissement attendu des exportations. L’Allemagne, qui entend s’affranchir du dogme jusqu’ici intangible de la limite stricte à l’endettement public constitue le meilleur exemple de cette réaction. Quant à la Banque centrale européenne, sa politique, comme celle de la banque centrale chinoise, peut se faire d’autant plus accommodante qu’elle souligne l’accentuation du risque à la baisse sur la croissance, donc probablement sur l’inflation à moyen terme.
La deuxième raison réside dans la relative défiance à l’égard des actifs américains. Cette situation, suscitée par l’apparent chaos de la politique commerciale de la Maison Blanche, ainsi que par les tensions affichées entre l’exécutif et la banque centrale américaine, augure de nouvelles instabilités.




